Article de Jean-Paul et Joëlle LADÉGAILLERIE
Simca au Brésil
Dans la conquête renouvelée de l'Amérique du Sud, beaucoup plus pacifique que celle des
« conquistadors » partis d'Espagne et du Portugal, l'immense territoire du Brésil se
présentait comme un marché de conquête tout indiqué. Dès la fin des années 50,
cette grande république avait décidé de se structurer en vue d'entrer dans le
XXIe siècle au coude à coude avec les super nations du Monde.
Un gigantesque effort d'urbanisme démarra dès 1950, appuyé sur un programme de
création d'autoroutes à grand déploiement : cet effort national sans précédent
étant symbolisé par la création de toutes pièces d'une nouvelle capitale : Brasilia.
Tout naturellement, le gouvernement brésilien inscrivit à ce programme la création d'une industrie
automobile nationale susceptible, en une première étape de 20 années, de produire annuellement un
million de véhicules de tous types.
Traditionnellement, le Brésil fut longtemps approvisionné en voitures et véhicules
commerciaux par les firmes nord-américaines. Après le second conflit mondial, et bien que la General
Motors, Ford et Chrysler aient conservé de solides positions, le Brésil commença à
considérer des possibilités d'entente avec les constructeurs européens. Agissant comme d'autres
pays désireux de s'équiper en véhicules sans déséquilibrer leur monnaie par une
hémorragie de devise (le Maroc, par exemple), le gouvernement brésilien établit un régime de
droits de douane tel que l'importation se trouvait découragée. Par contre, des véhicules de
construction locale - avec une proportion de composants nationaux permettant de parler d'une voiture
« brésilienne » - ne seraient assujettis qu'à des taxes (relativement
réduites).
Dès 1953, des contacts avaient été pris par le Conseil pour le développement
industriel du ministère brésilien de l'Industrie et du Commerce, secteur automobile, avec des
constructeurs européens, La Sté Alfa Roméo, par le biais de la Fabrique Nationale de Moteurs,
était déjà présente depuis 1942. Mais c'est presque simultanément que Daimler Benz et
la Volkswagenwerk s'implantèrent dans le quartier industriel de São Paulo, à São Bernardo do
Campo. L'usine Mercedes Benz do brasil avait ouvert ses portes le 7 octobre 1953, produisant des camions et des
autobus ; celle de Volkswagen do Brasil avait débuté le 23 mars 1953, assemblant la
« coccinelle » et les mini fourgons.
Rappelons que la Général Motors assemblait sur place (São Paulo) depuis le 26 janvier
1925, que Ford l'avait devancé dès le 24 janvier 1919 et que, à côté de Chrysler, la
firme willys Overland (productrice des « jeeps ») était également implantée.
Ce panorama montre qu'à l'époque - 1956/57 - il pouvait être tentant pour une firme en expansion de
venir s'implanter dans un pays s'ouvrant à l'automobile.
Ce sont ces motivations, jointes à l'annonce d'une possible implantation de Renault grâce
à une entente avec Willys Overland do Brasil, qui incitèrent Simca à considérer la
possibilité d'une opération industrielle au Brésil. À cette époque - 1957 - les
relations entre Simca et Fiat étaient encore très étroites et permanentes ; il fut ainsi
décidé qu'une implantation en territoire brésilien serait une opération combinée
Fiat/Simca - on dirait une « joint-venture », réalisée dans la plus étroite
collaboration.
Ainsi furent lancées les négociations d'un accord commercial et industriel avec le gouvernement
du Président brésilien Kubitschek, au terme duquel serait fondée la Simca do brasil SA.,
société qui serait opérationnelle en 1958. L'accord définissait les apports respectifs de
Simca (et Fiat) et du gouvernement brésilien ainsi que les engagements et garanties mutuels acceptés par
les deux parties. La formation juridique de Simca do Brasil fut prononcée le 5 mai 1958, entre Simca (50 %
du capital) et la compania Siderurgica Nacional y Compania Distribuidora qui amenait l'autre moitié du capital de
8 millions de dollars.
Le schéma d'ensemble, étalé sur 3 ans, était le suivant :
En un premier temps. Simca effectuerait le montage d'un modèle de voiture particulière choisi
dans la gamme à l'aide de lignes d'assemblage temporaires dans une usine sise à São Bernardo do
Camo (São Paulo).
Le modèle choisi était la berline « Versailles » et son
dérivé le break « Marly » (année modèle 1957).
Tous les outillages, montages, calibres et équipements de soudure seraient fournis par Simca, avec le
concours des Établissements Chausson qui assemblaient les caisses vedette. L'assemblage serait effectué
à l'aide des composants expédiés sous forme de lots C.K.D. (completely knocked down) par Poissy,
ces expéditions étant strictement soumises à une réduction progressive des fournitures
d'origine Poissy au profit de pièces « locales ». Le taux de
« nationalisation » des fournitures serait fixé impérativement par les services
compétents de l'Administration brésilienne (G.E.I.A. : administration générale de
l'industrie automobile).
La production devrait être assurée à 100 % de pièces nationales à la
fin de 1959, tout au moins en théorie...
En un second temps, Simca, assisté techniquement par Fiat, et avec le concours financier de banques
européennes ouvrant un crédit spécial, devait ériger et équiper une usine
définitive totalement nouvelle à Belo Horizonte, dans le secteur minier du Minas Geraes.
Un produit nouveau, spécifique du Brésil, y serait construit en utilisant 100 % de
pièces brésiliennes.
Une mission C.K.D. fut ainsi envoyée afin d'étudier l'implantation de premiers montages :
mais, dès ce stade initial, une modification d'importance apparut. Ce ne serait pas la
« Versailles » (en extinction) que l'on monterait à São Paulo, mais la toute
nouvelle « Chambord ». On fit un peu la grimace chez Chausson, car tous les montages
étaient à refaire. Toutefois, le travail préparatoire à la première phase de montage
fut immédiatement démarré sous l'impulsion de Paul Voisin, ex-directeur des pièces
détachées. Un noyau de cadres volontaires s'embarqua ainsi vers le Brésil et bientôt un
véritable pont aérien s'établit entre Poissy (ainsi qu'Argenteuil, où s'effectuaient les
études) et São Paulo. Cette phase d'installation fut rapide malgré le changement de modèle,
et en dépit de difficultés administratives qui allèrent croissantes.
Mais l'enthousiasme du « commando » français avait raison des obstacles
infiniment nombreux et chacun parlait déjà des premiers « lots » de pièces
qui arriveraient à l'usine de montage, alors que l'on songeait à un rudiment de
« réseau » d'agents à implanter dans ce pays démesuré.
Pendant ce temps, à Paris, à Turin et à Argenteuil les hauts responsables financiers et
techniques s'attaquaient à la seconde phase du projet.
Schématiquement, cette 2e étape comprenait les très importantes
opérations suivantes :
- Définition d'un « produit » typiquement brésilien :
« on » - les hautes directions Simca et Fiat - opta pour une version modernisée de la
Chambord, comportant notamment un tout nouveau moteur V.8 à soupapes en têtes (105 chevaux)
dénommé le « 326 ».
- Définition complète de l'usine de Belo Horizonte : cette étude serait
effectuée à 100 % à Turin ;
- Définition de l'équipement en machines-outils et en équipements spécifiques de
cette usine.
- Étude de la mise en place des services et du personnel de production.
- Étude connexe du plan d'approvisionnement à partir des fournisseurs brésiliens.
Enfin,
- Étude générale du plan de financement de l'ensemble de l'opération
brésilienne.
Avec le recul du temps, pareille entreprise parait encore colossale ; elle l'était en effet. Mais
l'homme sur qui reposait la responsabilité technique du projet était lui-même un
« colosse » choisi parmi les 5 « grands » de l'état major Fiat :
M. Alessandro Genero. Ce piémontais de petite stature, au visage rond et énergique, appartenait
à l'histoire de Fiat. Débutant comme simple ouvrier, il s'était élevé au plus haut
niveau de la Direction Générale, au prix d'un travail forcené qu'il faisait partager à son
entourage. Son nom s'inscrivait derrière la création en Espagne de l'usine Seat de Barcelone, filiale de
Fiat : la réussite totale de cette entreprise, la formation d'un personnel qualifié, étaient
la légitime fierté d'Alessandro Genero. C'était, pour Simca, un précédent heureux
à l'entreprise et au succès de Belo Horizonte...
En cet été 1958, les choses en étaient là : un accord officiel avec le
Brésil, une usine provisoire qui sortait de terre « au nez et à la barbe » de
Volkswagen do Brasil, un grand projet définitif placé entre des mains solides, l'opération Simca do
Brasil pouvait être considérée avec sympathie et optimisme...
Optimisme, certes, mais non sans prudence, sembla dire M. Pigozzi à maintes reprises...
São Bernardo do Campo : du montage à la fabrication
Après l'assemblage de quelques voitures d'avant série sur les montages installés dans
l'usine de São Paulo, les responsables de Simca de Brasil appréciaient avec réalisme le chemin qui
restait à parcourir avant de pouvoir assurer une véritable production de série, à un rythme
régulier de l'ordre de 10, puis 25 véhicules par jour. Ces chiffres correspondaient à ceux qui
avaient été évoqués entre les Gouvernements français et brésiliens lors des
premiers contacts, en présence des représentants de Simca et des banques. Comme déjà
indiqué dans cet historique, le taux de « nationalisation » des voitures produites,
c'est-à-dire le taux de décroissance des fournitures provenant de Poissy, avait été
strictement déterminé par l'Administration Brésilienne de tutelle.
En conséquence, lorsque furent préparés les premiers lots de pièces
« C.K.D. » à expédier, leur composition était strictement conforme à
l'utilisation optimale du crédit mentionné sur chaque licence d'importation. Cette composition,
très surveillée (en théorie) par les douaniers brésiliens, était donc fonction du
prix effectif des pièces, donc du cours du « cruzeiro ». Or, en cette période de
bouillonnante croissance du Brésil, sujet comme maints pays sud-américains à de fréquents
soubresauts politiques, le cruzeiro connut une période de dévaluation chronique. Les montants en cruzeiros
des marchés passés n'avaient plus qu'une signification qui variait sans cesse, ce qui amenait d'incessants
ajustements dans la préparation, générateurs d'importants retards dans les expéditions.
Pendant ce temps, apparemment ignorante de la fuite de sa monnaie, l'Administration brésilienne de
tutelle maintenait imperturbablement les dates prévues pour la décroissance des taux d'expédition.
Avec les retards, il y avait donc un décalage, et les premiers lots de pièces préparés avec
50 % de la voiture complète se trouvaient prêts à embarquer sur les quais du Havre à une
époque où le taux était déjà réduit à 40 ou 35 %.
Devant l'intransigeance initiale de l'Administration brésilienne, il n'y eut d'autre solution que de
retourner les lots entiers à Poissy, de mettre leur composition en accord avec le nouveau taux et de se
hâter de renvoyer le tout au Havre pour profiter du premier bateau... En réalité, comme les
fournisseurs brésiliens, licenciés de firmes européennes ou américaines du nord,
étaient tous très en retard, c'est le contraire qu'il eut fallu faire : ajouter les pièces
encore impossibles à produire sur place, comme ce fut longtemps le cas pour les blocs-cylindres ! Ces
compléments furent en réalité effectués avec discrétion, grâce à
l'astuce consommé des « emballeurs » C.K.D. et grâce aussi, à
l'arrivée, à des arrangements souvent « alcoolisés », avec les douaniers et
les « stevedores » (dockers)...
Pendant ce temps, à São Bernardo, l'équipe Simca et ses compagnons brésiliens
faisaient de leur mieux pour préparer l'usine à l'arrivée de ces « lots »
tant attendus, alors que se multipliaient les contacts avec les « futurs » fournisseurs.
Hélas, ce chemin était semé d'embûches, comme le rappelait le sympathique projeteur
Charreton, qui avait tenté l'aventure à plus de 50 ans ! Responsable des plans, il trouvait souvent
des petits serpents dans ses rouleaux de calques, alors que des pluies diluviennes, inconnues en Europe,
détruisirent deux fois le local abritant les archives.
Mais qu'est-ce qu'ils « foutent » là-bas avec leur plans ? « Ils
les mangent » s'exclamait le responsable des dessins d'études à Argenteuil... Et la
transplantation n'était pas sans influencer les réactions caractérielles de plusieurs membres de
l'équipe ce qui était fort compréhensible dans un pays où, malgré les buildings de 40
étages, flotte encore une atmosphère de mystère et même d'envoûtement...
L'arrivée des premiers lots mit un certain terme à ces réactions locales et, vaille que
vaille, et très en retard sur l'échéancier initial officiel, l'équipe entière mit
tout en œuvre pour démarrer la production en petite série. Directeur technique, J. Pasteur
accomplit un considérable et minutieux effort de coordination, cherchant à expliciter
systématiquement les difficultés surmontables de celles qui ne l'étaient absolument pas, afin de
proposer à l'Administration une progression plus réaliste.
Pendant ce temps - printemps 1959 - et très préoccupé par les retards qui,
amplifiés, se rencontreraient lors de la création du grand complexe définitif de Belo Horizonte,
P. Voisin sautait, une fois de plus, dans la Constellation de la Lufthansa, pour venir exposer ses craintes et, qui
sait, proposer un nouveau plan... Depuis octobre 1958, en effet, et sous la très énergique impulsion du
Dr. Ingénieur A. Genero, les études de la grande usine définitive et de la voiture
modifiée qui serait construite se poursuivaient à très grande allure.
Sur le plan technique, un programme complet de fourniture de machines-outils avait été
établi en se fondant uniquement sur les caractéristiques et performances des machines, quelle que soit la
nationalité. Aussi trouvait-on un grand nombre de machines allemandes, italiennes, américaines et, il faut
le souligner, peu de machines françaises à l'exception de tours à copier. Sur le plan industriel,
les outillages pour les composants du nouveau moteur V.8 à soupapes en tête « 326 »
suivaient le même rythme : ils étaient usinés à 33 % de leur achèvement au
printemps 1959.
Dans ces conditions, la réalisation de Belo Horizonte ne faisait de doute pour personne ; d'autant
plus qu'on venait d'apprendre que, sur place, la plateforme sur laquelle serait construite l'usine était
achevée, et les bétonnières, comme à Poissy en 1956, aillaient succéder aux
« scrapers » et aux « graders ». Pourtant sur le plan financier, eut lieu le
premier « raté » de cette méticuleuse préparation. Chargé de la
coordination entre Paris, Turin et São Paulo, l'auteur de la présente histoire découvrit une totale
opposition de vues entre les services techniques Fiat (liste de machines « tous pays ») et les
banques assurant le financement, qui ne voulaient couvrir que l'achat de machines françaises.
Cette situation ne put se résoudre qu'au cours d'entretiens au sommet extrêmement
délicats, d'où sortit l'idée d'une liste de « compromis » favorisant les
machines françaises, document que l'auteur, « ancien » de la machine-outil, eut le triste
privilège d'avoir à rédiger, mais qui fut acceptée et qui allait être confiée
à l'exécution lorsque le Directeur Paul Voisin atterrit à Paris pour sa mission capitale.
Dans la grande salle du Conseil, 5, rue Beaujon, l'état major financier et commercial, au grand
complet, avec des dossiers estimatifs et des plannings super « affûtés », attendait
les 2 grands acteurs de cette réunion décisive. C'est P. Voisin qui, après 16 heures de
vol, arriva le premier, devançant de peu M. Pigozzi visiblement aussi tendu que l'atmosphère de ce
« meeting ». La tension ne cessa de monter régulièrement pendant l'exposé de
P. Voisin, qui ne laissa dans l'ombre aucune difficulté, aucune incertitude : en particulier, il
fallait s'attendre à de graves retards sur l'exécution du moteur « 326 », alors que
les fondeurs brésiliens n'étaient pas encore prêts pour la culasse très simple du moteur
« Aquilon - 84 » de la Chambord.
Puis P. Voisin exposa une solution d'attente suggérant en un premier temps de fabrication
d'étoffer l'usine de São Paulo à l'aide de machines devenues excédentaires à Poissy
après la naissance de l'Ariane « 4 ». Et, sans tirer un trait sur le projet final
Fiat/Simca, on le remettait à plus tard en « voyant venir »... Grave, M. Pigozzi
écouta cette proposition puis, se tournant vers les « hommes finance » presque
dissimulés par leurs volumineux dossiers, demanda quel serait le coût de l'opération finale à
l'horizon différé des années 1960/61. Troublant le silence de plus en plus pesant, P. Voisin
déclara « qu'en raison de l'incertitude politico-économique régnant au Brésil,
tous les chiffrages et engagements des « gros dossiers » seraient à revoir... »
(sic)
Le point critique étant atteint, le Président Pigozzi explosa littéralement, visiblement
excédé par le terrain sans cesse mouvant rencontré Outre-atlantique sud. « J'en ai assez
de ces cruzeiros » hurla le grand patron ! « J'en ai assez de cette histoire de Belo
Horizonte, et de ce moteur dont on n'a pas besoin ! Vous n'avez qu'à suivre la proposition de Paul Voisin,
prenez les machines nécessaires et continuez vos travaux sans moi »... et il sortit...
La grande aventure franco-italienne au Minas Gerais avait (temporairement) vécu avant de voir le
jour : les travaux de Belo Horizonte étaient suspendus, le moteur 326 abandonné ainsi que le plan
d'équipement. La Simca do Brasil repartait sur des bases plus modestes, mais plus réalistes et plus
traditionnellement prudentes...
Après ce changement d'échelle, les évènements se succédèrent
à un rythme typiquement Simca. Vis-à-vis du Gouvernement brésilien, il fallait faire admettre cette
nouvelle orientation et la présenter comme un facteur d'accélération de la production
brésilienne de la Chambord à 100 %. Il importait donc d'agir avec une urgence quasi inouïe, car
l'Administration imposa un délai extrêmement court pour l'octroi des licences d'importation et
l'expédition des machines.
En quelques jours, les spécialistes « machines-outils » assistés des
hommes de P. Voisin et J. Pasteur, établirent la nomenclature des machines (ex Ford)
nécessaires, notamment les vétustes (mais durables) aléseuses spéciales pour les moteurs en
« V ». Ce n'était que la partie facile : il importait ensuite de rédiger, en
langue « portugaise du brésil », toutes les demandes de licence correspondant à ce
matériel. Il fallut donc, toujours dans la hâte folle de ce chaud mois de juin 1959, trouver d'urgence un
personnel de traduction et de dactylographie franco-portugaises. En ratissant Paris, on ne trouva que douze personnes de
nationalité portugaise répondant aux conditions, dont un ex-barman, une ancienne cantatrice et une
danseuse sans contrat.
C'est à Marcel Henri Moreau, l'un des responsables de la Direction « Méthodes
installations », qu'échut la charge de diriger ce personnel inhabituel si hâtivement
rassemblé. Moreau fit merveille et, moins d'une semaine plus tard, 75 % des documents étaient
prêts, à l'émerveillement des deux conseillers brésiliens hâtivement
dépêchés de São Paulo, aussi forts travailleurs le jour qu'amateurs du « Gay
Paris » la nuit.
Finalement, la lutte contre le temps fut gagnée, non sans que surviennent mille et un aléas qui
ne changèrent rien à la mise en place d'une usine logique, bien proportionnée à l'objectif.
C'est Jacques Pasteur, ex Directeur Technique, qui devait reprendre la direction générale à la fin
de 1959. Scrupuleux à l'extrême, il avait obtenu de l'Administration brésilienne un taux de
nationalisation plus réaliste : 50 % en fin 1959, objectif 85 % en fin 1960. La production serait
de 5 voitures en novembre 1959, puis de 8 en décembre, pour atteindre 14/15 en 1960. Technicien fervent de
mécanique évoluée, J. Pasteur après avoir « adapté » la
Chambord aux routes brésiliennes regrettait parfois le « beau » moteur
« 326 » qu'il aurai accouplé à une boîte entièrement
synchronisée. Il ne s'avoua pas battu et, au cours de l'un de ses séjours en France, localisa chez le
préparateur Ferry, spécialiste des moteurs poussés, un lot de 1 500 jeux de culasses à
soupapes en tête adaptables au moteur Ford V.8 60, cousin américain du moteur de la Chambord. Ces culasses
étaient l'œuvre d'Arkus Duntov, ingénieur fervent de voitures de sport appartenant à la...
Général Motors (d'où le nom : culasses Ardun).
Invendues faute de clients français (bien qu'une Ford Vedette Ardun ait battu des records à
Montlhéry) ces culasses firent le bonheur de J. Pasteur, de la Simca do Brasil et de la... clientèle
brésilienne. Au fur et à mesure qu'il maîtrisait la production, J. Pasteur, en liaison avec
Argenteuil, introduisait des modifications au produit : le moteur modifié, la première vitesse
synchronisée et le « pavillon » redessiné. La gamme des Simca brésiliennes
avait fière allure : la Chambord devint l'Alvorada (l'Aurore), puis il y eut l'Esplanada super luxe,
annonçant des versions plus poussées : la Tufao (typhon) et la Rallye...
Simca do Brasil devint ainsi une réalité à partir de 1960, tout particulièrement
après l'adoption de méthodes de gestion succédant à l'ère des pionniers. Les missions
financières effectuées par M. A. Laporte, ainsi que la direction commerciale implantée et
assurée par G. Toy permirent à cette entreprise hardie de se maintenir en activité
jusqu'à l'absorption définitive par la Chrysler Corporation en 1967.
À dessein, le début de cette épopée industrielle de neuf années, qui
était tentée près de deux décennies avant le grand développement des entreprises dans
le tiers monde, a été apporté en détail, afin de montrer combien Simca a constamment tenu un
rôle de leader, associant une témérité calculée à un indispensable sens de la
mesure.
Propos de Jacques Rousseau (ingénieur général) tirés de l'histoire de Chrysler
France
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