La Simca 1100 a quarante ans.
Article de Jean-François BERTHE
Voulue par M. Henri-Théodore Pigozzi lui-même,
développée par Georges Héreil, la 1100 fut la Simca la plus
vendue, ni plus ni moins ! Plus fort : Chrysler Corp. qui ne croyait
pas en cette voiture fut pourtant sauvé de la faillite grâce
à elle ! Si la 1100 bouscula les habitudes, son héritage est
encore présent dans le paysage automobile actuel... Embarquons dans la
machine à remonter le temps...
Sous l'ère pigozzienne, une Simca se devait de flatter l'ego de
son propriétaire. À Poissy, l'on construisait donc les voitures
que les gens voulaient mais l'on allait passer à la voiture qu'il leur
fallait ! Une révolution technique et commerciale...
Cela avait commencé avec les 1300/1500. Ces Simca
étaient modernes d'aspect, lumineuses (c'était le projet
« Horizon », ce nom ne vous dit rien ?) et pratiques,
il avait été un temps où un hayon fut prévu.
Diverses formes de hayon à l'étude furent abandonnées, car
« Le Commendatore » estimait que les gens n'en voudraient
pas sur un objet représentatif de leur classe sociale...
L'idée fut retenue pour l'étude suivante ; la
« VLBB » : Voiture Légère Berline
Break. Polyvalente, entre la 1000 urbaine et les routières 1300/1500. Une
voiture qui seyait parfaitement aux objectifs de M. Pigozzi : que tous
puissent accéder à la motorisation individuelle, de
préférence chez Simca ! La motorisation transversale avant
l'avait séduit en visitant le « saint des saints »
chez Fiat, où était encore à l'état d'ébauche
la future « Primula » qui sortit sous la marque
Autobianchi et n'eut qu'un faible succès.
Mais le 31 mai 1963, M. Henri-Théodore Pigozzi laisse sa
place de capitaine d'industrie à Georges Héreil - le
« financier » de la « Caravelle » -
qui fit poursuivre le développement de la future 1100. Las !
L'état major de Chrysler qui faisait la pluie et le beau temps à
Poissy ne croyait pas en ce projet, car de leur point de vue une voiture
populaire devait être « full size »,
c'est-à-dire flatteuse, grosse et gourmande ! Et puis, Rootes,
filiale de Chrysler en Grande-Bretagne, avait dans ses cartons un projet
équivalent, beaucoup moins cher à développer puisque d'un
classicisme tout à fait britannique.
Un produit de l'indépendance française
Georges Héreil mit tout son poids. Après tout, il
était le patron à Poissy et la France était très
fière à l'époque de sa technologie et de son
indépendance voulue par « Le
Général » : Le paquebot France portait haut son
nom, l'Aérotrain battait des records mondiaux de vitesse, le Concorde
était un projet d'avenir. Le Redoutable était sur cales alors
qu'aucun autre pays n'était capable de se lancer dans un tel programme
sans appartenir à l'un des deux blocs...
La France radieuse et fière, celle des « trente
glorieuses » n'allait pas s'en laisser conter par des
américains qui n'avaient aucune idée de ce qu'il fallait aux
européens comme voiture ! Et chez Simca, on savait de quoi on
parlait, après avoir repris une autre marque américaine :
Ford et sa gamme Vedette dont très vite les défauts furent
corrigés. Et l'on aurait plus tard une piqûre de rappel sous
l'ère Chrysler avec les 160/180 & 2 l... Simca jouait donc les
trublions au sein du groupe Chrysler !
C'est donc en 1967 que Simca dévoila « la bombe du
salon de l'auto ». Ce qui avait été le projet VLBB
portait le nom commercial de 1100, entre la 1000 et la 1301. Simca est alors un
des rares constructeurs à présenter une gamme faite de classiques
propulsions (1301 et 1501), de « tout à
l'arrière » (900, 1000, 1200S) et d'une moderne traction avant
à moteur transversal : la 1100.
Pour la première fois, une Simca n'était pas d'une
élégance « à tomber par terre » mais,
selon la presse de l'époque (qui avait la dent dure envers Simca),
« elle possède de solides qualités routières qui
rejette tout le monde en arrière ». Le public restait
dubitatif quant à la ligne, inhabituelle à l'époque,
provoquée par le hayon (la R16, concurrente de la 1501 souffrait de ce
même handicap). Mais soigneusement étudiée, la polyvalence
du modèle, sa tenue de route et sa modularité intérieure
(tien, un nouveau concept !) vont faire de la dernière Simca un
modèle très demandé... Au point que les cadences sont
augmentées et les chaînes saturées !
Les courses... au supermarché et au circuit !
Marquant une rupture avec tout ce qui avait été fait, la
1100 était non une voiture de représentation mais une voiture de
loisirs. Aller faire les courses (dans les nouveaux supermarchés),
transporter une commode « Empire » ou faire du camping au
bord de la mer : tout lui allait. La 1100, complètement nouvelle,
était aussi dotée d'un nouveau moteur, le 349 endurant sur
autoroute et bien refroidi en ville. Avec son hayon et des banquettes modulaires
pour un gros volume de chargement ou dormir dedans, c'était la voiture
d'aujourd'hui il y a quarante ans !
De la 1100LS, Simca extrapolera des versions plus pointues, permises
par l'excellence du châssis. Tout commença avec la 1100
Spécial, dotée du moteur de la 1200S : un
1204 cm3 doté de deux carburateurs DC. Puis en 1973, la
« 1100 Spécial » est gratifiée d'un nouveau
moteur de 1294 cm3 et un seul carburateur double corps pour une
puissance identique. La tubulure à deux carburateurs double corps
n'allait pas rester sans emploi, et coiffant le 1294, fit la démoniaque
motorisation des 1100 TI (partagée avec la Rallye 2 toujours
employées en course de côte !), une « petite
bombe » avant l'heure... La TI sera pourvue d'un freinage à
double circuit et de réglage revus...
Forte de plus de deux millions d'exemplaires, la 1100 sera produite en
Espagne (chez Barreiros), en Grande Bretagne (Rootes), assemblée au Maroc
(SOMACA) et vendue un peu partout dans le monde, même aux USA !
Après la crise pétrolière de 1973, ce sera même le
seul modèle de toute la Chrysler Corporation qui sera
bénéficiaire ! Simca lancera ainsi des modèles de
crise, les LX (2 portes) et GLX (4 portes) combinant les finitions des hauts de
gamme GLS et les moteurs plus sobres des LS. Véritable modèle
familial, la production de la 1100 cesse à Poissy en 1981 (mais pas la
1200 en Espagne), remplacée par l'Horizon. Les utilitaires (sans
équivalent chez PSA) durent jusqu'en 1985 : 18 ans à marquer
le paysage automobile français.
Une descendance surprenante !
La 1100 eue comme fille cadette l'Horizon, techniquement semblable (du
moins en 1100 et 1300 cm3) mais beaucoup plus moderne dans son
espace de vie. L'horizon - modèle de l'année 1978 - sera
construite aussi aux USA jusqu'en 1990. Elle était la
« subcompacte » du groupe Chrysler, sous les noms de Dodge
Omni et Plymouth Horizon et sera produite à plus d'exemplaires qu'en
France !
En tant que filles aînées, les 1307/1308 ont
d'emblée été étudiées comme de grosses 1100
modernes. Elles obtinrent le titre de modèles de l'année 1976.
Sous l'ère PSA, elles dérivèrent comme 1510 et Solara.
Autre filiation directe de la 1100 : la Rancho !
Étudiée et produite par Matra, elle puise le meilleur de la banque
d'organes Simca : Moteur de 1308, boîte de 1307, freinage de 1100TI,
soubassement de 1100 pick-up sur lequel est greffée une cellule en
Polyester. Le succès est immédiat : 25 000 exemplaires sont
prévus et l'on dépasse les 52 000. Conçue et produite pour
les « baroudeurs », Matra n'avait pas prévu que les
familles se l'arracheraient, attirées par le volume et la
modularité...
Le produit de remplacement fut tout naturellement établi sur
ces bases et le premier prototype construit sur une plate forme de Solara :
l'Espace ! Le nouveau propriétaire de Poissy (où l'on
badgeait désormais Talbot) le refusa et pria l'Espace d'aller se faire
vendre ailleurs ! Sic transit gloria mundi...
Lancés en 1967, les différents modèles sont
équipés du même bloc moteur en différentes
cylindrées :
- 944 cm3 : Simca 1100 5 cv fiscaux
- 1118 cm3 : 6 cv fiscaux Simca 1100 LS,
GL, GLS, ES, EX,...
- 1204 cm3 : Simca 1100 Spécial
première génération (7 cv).
- 1294 cm3 : Simca 1100 TI et Spécial
2e génération
- 1100 ES (berline 4 portes) 5 cv.
- 1100 LE/LS (berline 2 ou 4 portes, break) 5/6 cv.
- 1100 GLE (berline 4 portes) 5 cv.
- 1100 GL (berline 2 ou 4 portes et break).
- 1100 GLS (berline 2 et 4 portes ou break).
- 1100 LX et GLX berline en 2 ou 4 portes.
- 1100 « Spécial » : berline 2,
4 portes et break 7 cv.
- 1100TI (berline 2 et 4 portes)
- AS (Finition GLS).
- 1100 Fourgonnette (jusqu'en 1973).
- 1100 « Pick-up »
- VF1, 2 et 3 : utilitaires tôlés (de 1973
à 1985).
- 1200 pour le marché espagnol (finition « haut
de gamme »).
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